RÉINDUSTRIALISATION : QUEL AVENIR POUR LES NORMES ENVIRONNEMENTALES ?
06 juin 2023Lors de son déplacement à Dunkerque le 12 mai, Emmanuel Macron a « appelé à la pause réglementaire européenne », précisant ensuite qu’il souhaitait que l’Union Européenne se concentre sur l’application des règles, notamment dans le domaine environnemental, pour ne pas freiner la réindustrialisation de la France.
Ces propos qui interrogent jusqu’à Bruxelles, font malheureusement échos à la lettre rendue publique de DigitalEurope, l’organisation qui représente l’industrie du numérique dans l’Union européenne, demandant à la Commission européenne le 8 mai de faire une pause dans le déploiement du Data Act [Voir lien].
Surtout, ils interviennent 24 heures après la publication par le Conseil d’État de sa décision portant une nouvelle injonction au gouvernement de prendre, d’ici au 31 juin 2024, toutes les mesures nécessaires pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de -40% en 2030... et d’en justifier avant la fin de l’année [Voir lien].
Alors que les acteurs industriels se mobilisent pour relever le grand défi de la réindustrialisation de la France, ces déclarations - ainsi que les nuances apportées par la Première Ministre - laissent penser que le respect des réglementations environnementales pourrait freiner la croissance économique et brider les initiatives.
Pourtant, comme l’a souligné Susilo Bambang Yudhoyono, Président du Conseil du Global Green Growth Institute et ancien Président de l'Indonésie : « les résultats obtenus dans les pays développés et en développement montrent que la croissance économique et la protection environnementale peuvent être complémentaires, et que la transition vers une économie bas carbone peut offrir de nouvelles opportunités économiques et améliorer le bien-être. » [Voir lien]
En effet, l’existence de la norme est indissociable du bon fonctionnement du système industriel et de la compétitivité des entreprises. En établissant des critères communs d’évaluation, les normes favorisent la cohérence et l’interopérabilité entre les acteurs. De plus, elles assurent un niveau de qualité des produits industriels, protégeant ainsi l’environnement et les consommateurs.
Surtout, rappelons l’importance de la responsabilité du secteur industriel (comme celui du bâtiment) vis-à-vis du dérèglement climatique, de l’érosion de la biodiversité et des générations à venir.
Les catastrophes écologiques ont déjà un impact significatif sur nos activités humaines, qu’elles soient économiques ou non.
Il est donc essentiel de s’appuyer sur l’ingénierie et les prestations intellectuelles pour analyser les risques, agir sur les causes et anticiper les conséquences des phénomènes environnementaux.
Le gouvernement doit encourager les acteurs à s’approprier les normes environnementales et à adopter des modèles respectueux des écosystèmes. L’industrie est un exemple probant, qui démontre que la pérennité du secteur repose sur une exploitation des ressources durable et intelligente.
Suite à ces propos, l’Élysée a précisé « Le Président ne parle pas de suspension mais d’exécuter les décisions déjà prises avant de faire de nouveaux changements ».
Pourtant, la mise à jour des normes reflète notre niveau d’engagement envers la nature. Il ne s’agit pas de « rajouter des normes aux normes », mais d’accomplir une évolution naturelle, résiliente et inévitable des systèmes face aux menaces environnementales.
En fixant des seuils, les réglementations sont le fruit d’un compromis social et économique accepté par les parties prenantes, équilibrant l’action et l’inaction. Dans le contexte de crises que nous connaissons, « marquer une pause » ou cesser cette démarche vertueuse de dialogue et d’amélioration continue de nos pratiques, serait irresponsable.
À l’inverse, nos responsables politiques français et européens doivent faire preuve de “stabilité” et de fermeté pour ne pas réduire les exigences et tenir les objectifs fixés à l’horizon 2050.
L’ambition européenne offre une opportunité unique. Elle doit inciter les acteurs français à s’engager dans une réindustrialisation responsable et exemplaire. En conséquence, j’appelle de mes vœux à maintenir nos efforts et le rythme des réformes pour façonner cet avenir durable, résilient et respectueux de l’environnement dont nous avons urgemment besoin.
Frédéric Lafage, président de la Fédération Cinov